Le retour du concours de popularité indignée

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S’il y a bien un truc qui devrait foutre la gerbe à l’occasion des attentats, quels qu’ils soient, c’est bien les attentats et pas autre chose, comme par exemple l’adoption d’une posture.
Je ne vais pas vous parler de la géométrie variable de l’indignation et de son activation en fonction de la distance de l’événement, de la religion des victimes ou même de leur couleur de peau et je ne vais pas non plus vous parler de la novlangue qui caractérise certaines victimes en fonction de l’importance qu’on veut leur accorder ou, à nouveau, de la couleur de leur peau (oui, un migrant n’est pas une victime de guerre ni un réfugié, c’est une saloperie d’intrus qui s’incruste là où il n’est pas invité, cela va de soi).

Désormais, en même temps que l’explosion d’une bombe et la mise en orbite de l’éthique de certains journalistes, hésitant encore moins à sacrifier la dignité de leur profession pour de l’audience, un petit déclic se fait dans le cerveau de beaucoup de monde.
Le citoyen cherche à se démarquer. Il fait sienne la souffrance des peuples et des nations endeuillées et porte à cette occasion toute la douleur du monde sur ses humbles épaules.
Ce qui le préoccupe, c’est de le faire savoir et d’en tirer profit.

Je suis plus triste que vous.

Il sait que l’image et l’émotion priment sur la raison et le texte. Il cherche à trouver l’illustration parfaite, celle qui montrera au monde ce qu’il ressent et qui le fera l’envier. C’est encore plus valable s’il sait dessiner.
Le premier qui s’appropriera l’idée de la solidarité dans la douleur gagnera le game. Le but ultime : devenir populaire grâce à sa peine. Partager sur les réseaux sociaux un visuel quelconque qui puisse être à la fois rebelle, amusant, triste, rayez la mention inutile si vous en voyez.

L’avantage, c’est que personne n’est laissé de côté, tout le monde peut participer au concours de popularité indignée : les collectivités et les entreprises s’empressent d’installer en image de profil Facebook le drapeau du pays-touché-et-avec-lequel-on-est-solidaire, sans omettre d’y ajouter leur logo ou un paysage de chez eux.

Il n’y a pas de petit profit.

Vous trouvez une image impertinente qui suggère que vous êtes plus fort(e) que le terrorisme ? Parfait, vous pouvez espérer des retweets par dizaines, voire centaines. N’hésitez pas à piquer une image, la recouper, en changer la couleur de fond pour vraiment vous l’approprier. Mais dépêchez-vous, le temps est compté. Vous n’êtes pas seul(e) à vouloir faire votre aupromo sur le compte d’un événement dramatique et seuls les premiers seront servis.

Tout ce succès amassé, ces nouveaux abonnés, ces pouces bleus…
Quand vous vous regarderez dans le miroir, juste avant de prendre ce selfie qui donne un beau reflet à vos larmes forcées, vous ne pourrez réprimer un petit sourire et vous ne saurez même plus ce que cynisme signifie. Remarquez, on s’en fout, vous venez de battre votre record de cœurs sur Instagram…

Drapeau Syrie

drapeau-belge

drapeau Francedrapeau Turquie

 

 

 


4 réponses à “Le retour du concours de popularité indignée”

  1. j’en frétille de bonheur. la popularité arrive !

    plus sérieusement, merci ^^

  2. Je lisais tes critiques mais je n’avais jamais vu les « Histoires » que je découvre avec un intérêt certain. Belle plume amigo.

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